EUMO 2024 - Quelles priorités pour nos mobilités ?
Quelles mobilités collectives à promouvoir et à subventionner ? En France, les budgets publics alloués à la mobilité des passagers représentent une part importante des dépenses des collectivités et de l’État. En 2023, plus de 40 milliards d’euros ont été consacrés à la mobilité, soit une somme proche des dépenses pour l’Éducation nationale (environ 60 milliards d’euros) et la santé publique (plus de 100 milliards d’euros).
Cependant, les investissements dans les infrastructures de mobilité nécessitent des fonds considérables et continus, dont les retours sont souvent visibles à long terme. Environ 25 milliards d’euros sont financés par les collectivités locales, concentrés en grande partie sur les infrastructures de transports en commun dans les grandes agglomérations. L’État, lui, contribue à hauteur de 15 milliards d’euros via des subventions pour les transports ferroviaires, routiers et cyclables. Toutefois, ces fonds bénéficient principalement aux grandes métropoles, laissant de nombreuses zones périurbaines et rurales sans solutions adaptées.
Le ministre des Transports, François Durovray, a récemment insisté sur l’importance de solutions pragmatiques et économiques adaptées aux besoins réels des citoyens. Lors de son intervention à l’EUMO 2024, il a souligné que « nous devons trouver des solutions qui ne coûtent pas trop cher et qui soient décarbonées », tout en insistant sur l’optimisation des infrastructures existantes et des alternatives comme le covoiturage et les cars express. Il a également ajouté que la priorité devait être donnée aux transports qui offrent une alternative réelle à la voiture individuelle, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines.
Repenser les mobilités collectives pour les territoires en besoin
Les zones périurbaines et rurales, qui abritent près de 40 % de la population française, sont confrontées à un manque criant de solutions de transport adaptées. En milieu rural, 70 % des déplacements se font en voiture individuelle, créant des inégalités et exacerbant les problèmes environnementaux. Le développement du covoiturage subventionné, par exemple, représente une opportunité intéressante. Des initiatives telles que Mobicoop ont démontré leur efficacité avec un taux de remplissage moyen de 3,5 passagers par véhicule, réduisant ainsi la pression sur les routes et les émissions de CO2.
Cibler les trajets domicile-travail
Les trajets domicile-travail, qui concernent 19 millions de salariés en France, représentent une priorité stratégique. En dehors des grandes métropoles, la voiture individuelle reste utilisée pour plus de 65 % de ces trajets. Des initiatives pour encourager le covoiturage domicile-travail, comme le projet Covoit’ici, ont déjà permis de réduire les embouteillages de 25% sur certains axes périurbains. De plus, les plans de mobilité employeur mis en place par certaines entreprises ont aidé à réduire les déplacements domicile-travail de 10%, grâce à des solutions comme le télétravail ou le partage de véhicules.
Des solutions pour les personnes en situation de handicap
En France, 12 millions de personnes vivent avec un handicap, mais seulement 60% des infrastructures de transport en commun sont adaptées à leurs besoins. Le développement de services comme les Taxis G7 Access et les systèmes de transport à la demande pour les personnes à mobilité réduite offrent une meilleure accessibilité, mais ces services restent coûteux et peu disponibles en dehors des grandes villes. Des subventions supplémentaires pour ces solutions permettraient de répondre à une demande croissante. Promouvoir les modes partagés et flexibles Les solutions de transport partagées et personnalisées, telles que les VTC partagés ou les navettes autonomes, constituent une piste prometteuse pour une mobilité plus durable et inclusive. À Toulouse, par exemple, les navettes autonomes du programme Navya ont transporté plus de 100 000 passagers en 2023, tout en réduisant de 20% les coûts d’exploitation par rapport aux systèmes traditionnels de bus.
Zoom sur la région Grand Est
La région Grand Est est un exemple marquant des défis et des opportunités liés à la mobilité en France. En 2022, la région a alloué plus de 1,2 milliard d’euros à la mobilité, dont 600 millions d’euros pour les infrastructures de transports en commun. Toutefois, une part importante de ces investissements a été concentrée dans les pôles urbains comme Strasbourg et Metz, laissant les territoires ruraux relativement mal desservis. Des initiatives comme le réseau Fluo Grand Est, qui regroupe plusieurs lignes interurbaines et trains régionaux, montrent que des efforts sont faits pour améliorer la mobilité. Par exemple, 18 nouvelles lignes ont été ouvertes en 2023, connectant mieux les zones périurbaines aux centres urbains. Cependant, les solutions comme le covoiturage restent sous-exploitées dans la région, avec seulement 2% des trajets domicile-travail réalisés en covoiturage. La ville de Nancy a pris des initiatives avec des VTC partagés et des navettes autonomes, qui ont montré des résultats prometteurs avec des coûts de fonctionnement inférieurs de 25% à ceux des lignes de bus classiques.
Le Grand Est, tout comme le reste de la France, doit relever des défis majeurs en matière de mobilité. L’État et les collectivités locales doivent continuer à subventionner les solutions de transport collectif tout en favorisant des modèles plus flexibles et inclusifs, tels que le covoiturage et les transports partagés, afin de répondre aux besoins diversifiés des citoyens tout en limitant les impacts environnementaux.
Un article écrit par Paul de Rosen.
Sources :
• Ministère des Transports, déclarations de François Durovray à l’EuMo 2024, Strasbourg
• Rapport annuel du Grand Est, 2023
• Covoit’ici, résultats 2022